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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 10:55

Toutefois, que Martelly distribue de l'argent dans des enveloppes -ce qui n'a pas été de la pratique des Duvalier qui envoyaient de l'argent aux citoyens par terre- soit signe de "progrès" ou non, la question la plus importante est de savoir si c'est la bonne politique économique dans un pays où les gens sont complètement démunis. Ne serait-il pas mieux en cette période de fêtes de proposer une politique pertinente de relogement et d'emploi, bref de reconstitution de ces gens qui se meurent à vif dans la lueur de leur rêve lézardé par les incartades de gouvernement sans projet, sans perspicacité ? Cette démarche ne cacherait-elle pas le projet du président: faire semblant de donner de l'argent, en instrumentalisant la misère et la pauvreté des gens, en se faisant désigner "prezidan bon kè". Qu'avons-nous à foutre du "bon cœur" d'un président dont la fonction est d'assurer la bonne marche des institutions qui, en retour, doivent permettre aux citoyens de se réaliser selon leurs "rêves". Cessons de nous laisser obnubilés par les pratiques misérabilistes d'une politique myope et indécente. Nous n'avons pas besoin de l'argent pour une journée, mais de l'argent pour nous "reconstruire" dans notre dignité, dans notre rêve, dans le rêve d'habiter notre pays en toute dignité, dans la fierté d'en parler non seulement au passé en mobilisant les hauts faits d'armes que l'on sait, mais d'en parler au présent et montrer que nous sommes bons à quelque chose, nous avons le sens de l'idéal humain. Nous avons marre de ces mascarades politiques, des pratiques baroques de ces grossiers personnages, loufoques qui ne produisent que raillerie, qui ne font que justifier les racismes anti-haïtiens de deux siècles que l'Occident ne cessent de déverser sur notre histoire, sur nous-mêmes. Et nous n'avons aucun droit même de reprendre dans leurs propres termes ces stupidités: question de ne pas les légitimer dans l'acte d'écriture...

Nous n'avons à nous demander, dans une comparaison indécente, si Martelly traite les citoyens avec plus de dignité que l'a fait Duvalier. Nous devons voir dans ce "papaboncoeurisme", la même politique de la précarisation de la vie afin de se faire nommer "papa".

Nous devons nous rendre exigeants, forcer les politiciens à savoir ce que gouverner un pays comme Haïti veut dire: Haïti, pays où l'"universalisalité" des droits s'est mise debout pour la première et dernière fois. Par cet apprentissage, par cette référence nos présidents doivent à même de comprendre qu'une politique n'est pas le don de quelques gourdes insérées dans un enveloppe...Une politique doit, par-delà les rapports de force, être la tentative de faire triompher l'émancipation, l'épanouissement des citoyens selon l'idéal universel de liberté et de bien-être pour tous. Et cela exige une politique pertinente et intelligente de l'emploi, une politique réelle de salaire par quoi les gens pourront se reconstruire...

Les politiques débiles de deux siècles qui consistaient à se faire désigner "papa", "papa bonkè", "président à vie" ne sont que des pis aller pour occulter la misère, le "délabrement" anthropologique de la société haïtienne. Cessons de réduire les choses dans le manichéisme dangereux du "ou bien". Ni le président Martelly, ni Duvalier ne sauraient être pris en modèle de présidents dont nous avons besoin... Ayons le courage de nommer la "bêt-ise" par son nom, notre bêtise. Au moins le sentiment de l'exorciser finira par nous habiter.

C'est le "non" absolu à la bêtise que nous devons cultiver, cette bêtise qui devient une immense marre nauséabonde où nous pataugeons nos rêves les plus sublimes de libération de l'humanité. Non à ces étudiants sans mémoire et sans vergogne qui, afin d'assurer leur "carrière", ont gommé dans l'oubli le rêve de tous ceux-là qui avaient lutté contre les Duvalier, ont souillé dans l'humiliation la terre des Gonaïves, cette terre où tout a commencé. Quand on invite Duvalier à venir aux Gonaïves, on dit en même temps que ceux-là qui ont été massacré et par lesquels 86 a été commencé n'étaient que de petits salauds du grand chemin, et qu'en réalité, c'était Duvalier qui avait raison. Quand cette promotion de "juristes" ont la mauvaise intention de remettre Duvalier à l'honneur, comprenons que sa condamnation pour les douleurs et les souffrances infligées au peuple haïtien est annulée par anticipation par ces prochains juges et avocats du système judiciaire haïtien! Que devons-nous espérer en fin de compte de ces étudiants qui ont la mémoire plus courte que leur respiration saccadée par l'envie d'"arriver" au plus vite au timon des affaires? N'avons-nous plus la capacité de nous souvenir de la nécessité d'être solidaire avec ceux-là qui avaient lutté pour nous garantir un espace de liberté... Si la situation n'a pas changé jusqu'à présent, nous n'avons pas à nous en prendre à eux, c'est à nous que nous devons nous en prendre pour n'avoir pas écouté les promesses portées par leurs luttes, leurs revendication: ils en sont pour rien... C'est de notre faute, de la faute à ces "traitres" qui n'ont jamais pensé que le pays porte le rêve d'une émancipation universelle depuis le mouvement des esclaves (il ne s'agit pas de revenir encore une fois à l'histoire, mais de montrer l'idéalité qui porte la société haïtienne). Serions-nous, avec ces jeunes étudiants, entrain d'enterrer l'indignation comme modalité par laquelle nous affirmons notre "souci" à vivre comme des hommes? Accepterons-nous ces comportements qui tueront le sentiment que nous ne sommes pas des "chiens", que nous sommes hommes, c'est-à-dire que nos rêves sont plus immenses que l'univers qui ne saurait les tuer même en nous engloutissant sous les décombres des séismes ou cyclones? 

Là, il y a lieu de nous inquiéter: les institutions ont été ruinées, entre-temps les gens résistaient dignement. Aujourd'hui, on est entrain de liquider notre capacité à nous indigner en ruinant notre mémoire, en engonçant notre présent dans la plus crasseuse précarité. Tout le monde se prostitue, même les étudiants qui devaient être les premiers à dire non, à avoir le culte de la résistance contre les tentations malsaines des tueurs d'étudiants, d'enfants, de mères et de pères... Nous ne respectons plus les morts Ah!!! Serions-nous vraiment dans la perte de nous-mêmes, serions-nous dans l'incapacité d'opposer à la macabre politique chanpwèl de la famine et de la misère notre envie de vivre décemment. Il nous faut une véritable éthique de la décence pour couper court à cette "désolation" qui ronge la société haïtienne.

 

Dr. Edelyn Dorismond

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